Sujet : L’Imâm An-Nawawi et les bonnes innovations.
L’Imâm An-Nawawi, dans son charh (commentaire) du Sahîh Mouslim (tome 6 pages 154-155 de cette édition) lorsqu’il a commenté le hadîth qui contient la phrase « koullou bid’atin dalâlah wa koullou dalâlatin fi n-nâr » qui signifierait selon le sens apparent « Toute innovation est égarement et tout égarement est au feu », il a dit :
« قوله صلى الله عليه وسلم : ( وكل بدعة ضلالة ) هذا عام مخصوص ، والمراد غالب البدع .
قال أهل اللغة : هي كل شيء عمل على غير مثال سابق . قال العلماء : البدعة خمسة أقسام : واجبة ، ومندوبة ومحرمة ، ومكروهة ، ومباحة . فمن الواجبة : نظم أدلة المتكلمين للرد على الملاحدة والمبتدعين وشبه ذلك . ومن المندوبة : تصنيف كتب العلم ، وبناء المدارس والربط وغير ذلك . ومن المباح : التبسط في ألوان الأطعمة وغير ذلك . والحرام والمكروه ظاهران .
وقد أوضحت المسألة بأدلتها المبسوطة في تهذيب الأسماء واللغات ، فإذا عرف ما ذكرته علم أن الحديث من العام المخصوص . وكذا ما أشبهه من الأحاديث الواردة ، ويؤيد ما قلناه قول عمر بن الخطاب – رضي الله عنه – في التراويح : نعمت البدعة ، ولا يمنع من كون الحديث عاما مخصوصا . قوله : ( كل بدعة ) مؤكدا ( بكل ) ، بل يدخله التخصيص مع ذلك ، كقوله تعالى : تدمر كل شيء . »
« La parole du prophète (صلى الله عليه وسلم) « wa koullou bid’atin dalâlah» est [un texte] de portée générale dont le sens est restreint (‘âm makhsoûs), et ce qui est visé est « la plupart des innovations » (ghâlibou l-bida’).
Les spécialistes de la langue ont dit [qu’une bid’ah] est toute chose qui est faite sans avoir eu de modèle précédemment. Les savants ont dit : les bid’ah sont de cinq sortes : obligatoire, recommandée, interdite, déconseillée, et permise. De parmi celles qui sont obligatoires il y a le fait que les théologiens aient rassemblé des preuves contre les athées, les innovateurs [dans la croyance], et les gens de leur sorte. De parmi celles qui sont recommandées il y a le fait de composer des livres de science de la religion, le fait de construire des madrassah, ainsi que d’autres choses. De parmi celles qui sont permises il y a : le fait de diversifier les types de nourriture, et d’autres choses. Quant à celles qui sont interdites ou déconseillés, elles sont évidentes.
Et j’ai déjà clarifié cette question avec ses preuves de manière détaillé dans [mon livre] Tahdhîbou l-Asmâ-i wa l-Loughât, donc dès lors que l’on sait ce que j’y ai cité, on a su que ce hadîth fait partie des textes de portée générale mais qui ont été restreints (al-‘âmou l-makhsoûs), et il en est de même pour ce qui ressemble à cela de parmi les hadîth révélés.
De plus, ce qui appuie ce que nous avons cité est la parole de ‘Oumar Ibnou l-Khattâb (رضي الله عنه) au sujet du Tarâwîh, lorsqu’il a dit : « ni’matou l-bid’ah » (Quelle bonne innovation). Rien n’empêche donc ce hadîth d’être de portée générale mais d’avoir été restreint (‘âm makhsoûs).
Quant à la parole « koullou bid’ah »: il est certain que le mot « koull » a été utilisé, cependant le mot « koull » accepte le fait d’être spécifique comme dans Sa parole ta’âlâ :
« تُدَمِّرُ كُلَّ شَيْءٍ » «toudammirou koulla chay » (soûrat Al-Ahqâf verset 25)
qui signifie : «Il [le vent que Allâh a envoyé pour châtier le peuple du prophète Hoûd] a anéantit tout [ce que Allâh a prédestiné qu’Il anéantisse de leurs habitations et autres] »
Informations utiles :
– L’Imâm, le Hâfidh (spécialiste de la science du Hadîth), le Faqîh (spécialiste de la jurisprudence) Aboû Zakariyyâ Mouhyi d-Dîn Yahyâ Ibnou Charaf An-Nawawi est un savant de référence. Il est né en 631 et il est décédé en 676 de l’hégire (رحمه الله), c’est-à-dire il y a plus de 750 ans. C’est un savant dans l’école de jurisprudence Chafi’ite. Son commentaire du sahîh de l’Imâm Mouslim est une référence incontournable pour tous étudiant en science de la religion et pour tous savant. Il a écrit d’autres livres tels que « Riyâd as-Sâlihîn » (le jardin des vertueux), et le recueil de 40 hadîth si connus.
- Tâjou d-Dîn As-Soubki le surnommait « Chaykhou l-Islâm » [Tabaqâtou ch-Châfi’iyyah Al-Koubrâ]
- Adh-Dhahabi a dit de lui : « Le Moufti de la Oummah, Chaykhou l-Islâm […] le Hâfidh (spécialiste de la science du hadîth), le Faqîh (spécialiste de la jurisprudence), le Chafi’ite, l’ascète, l’un des étendards (de la religion)» [Târîkhou l-Islâm]. Il a dit également : « Le Chaykh, le modèle (qoudwah) […] le Hâfidh (spécialiste de la science du hadîth), l’ascète, le pieux adorateur, le Faqîh (spécialiste de la jurisprudence), le moujtahid versé dans l’adoration de son Seigneur, Chaykhou l-Islâm » [Siyar A’lâmi n-Noubalâ]
- Ibn Kathîr a dit à son sujet : « Le Chaykh, l’Imâm, l’illustre savant (al-‘Allâmah), le Hâfidh (spécialiste de la science du hadîth) l’honorable Faqîh (spécialiste de la jurisprudence) […] l’un des pieux adorateurs et ascètes» [Tabaqâtou ch-Châfi’iyyah]
– Ici il explique le hadîth du messager de Allâh (صلى الله عليه وسلم) qui contient la phrase « koullou bid’ah dalâlah wa koullou dalâlah fi n-nâr » et il explique en argumentant, que ce hadîth est sujet à la restriction, puis il dit que ce qui est visé c’est la plupart des innovations.
– Et cette parole de l’Imâm An-Nawawi est l’avis de l’ensemble des savants. L’Imâm ‘Abdou l-Lâh Al-Ghoumâri a dit : « Les savants ont été en accord sur le fait que la parole du prophète ” وكل بدعة ضلالة ” (wa koullou bid’atin dalâlah) est un texte de portée générale mais dont le sens est restreint (‘âm makhsoûs)» [Itqânou s-San’ah].
– L’Imâm An-Nawawi a cité comme preuve, pour expliquer le mot « koull », le verset dans soûrat Al-Ahqâf en rapport avec le vent lorsqu’il a anéantit le peuple de ‘Âd à l’époque du Prophète Hoûd. On comprend de ce verset que le vent a anéantit « koull » chose et qu’après on ne voyait que leurs habitations. Il est mentionné dans la âyah le terme « koull » et pourtant le vent n’a pas détruits les habitations, ni les montagnes, ni les cieux. Le terme « koull » ici n’est pas dans l’absolu. Donc ce que veut nous montrer l’Imâm An-Nawawi c’est que parfois, comme nous le prouve le Qour-ân, le mot « koullou » en arabe ne veut pas toujours dire « tout » dans l’absolue, mais parfois il a un sens spécifique.
– L’Imâm An-Nawawi dit également que les innovations sont de cinq sortes : obligatoire, recommandée, interdite, déconseillée, et permise.
– Parmi ses arguments, il y a aussi la parole de ‘Oumar Ibnou-l Khattâb, le compagnon et second Calife (رضي الله عنه) : « ni’matou l-bid’ah » c’est-à-dire « Quelle bonne innovation ». Cette parole de ‘Oumar a été rapporté par l’Imâm Al-Boukhâri [Dans son Sahîh] et l’Imâm Mâlik [Dans Al-Mouwatta]. Et beaucoup de savants se sont appuyé sur cette parole de ‘Oumar pour confirmer qu’une innovation peut être bonne, parmi eux :
- L’Imâm Ach-Châfi’i [Rapporté par Al-Bayhaqi dans Al-Madkhal] et [Rapporté par Aboû Nou’aym] et [Rapporté par Al-Bayhaqi dans Manâqibou ch-Châfi’i] et [Rapporté aussi par Ibn Taymiyah (moujassim)]
- L’Imâm Al-Bayhaqi [Dans son livre Al-Madkhal] et [Dans son livre Manâqibou ch-Châfi’i]
- L’Imâm Ibn Battâl [Dans son Charh Sahîh Al-Boukhâri]
- Le Qâdî Aboû Bakr Ibnou l-‘Arabi [‘Âridatou l-Ahwadhi]
- L’Imâm An-Nawawi [Dans son Charh Sahîh Mouslim]
- L’Imâm Ibn Daqîq Al-‘Îd [Dans son Charh Arba’în An-Nawawiyyah]
- L’Imâm Ibn Hajar Al-Asqalâni [Dans son Charh Sahîh Al-Boukhâri]
- L’Imâm As-Souyoûti [Al-Hâwi li l-Fatâwi]
- Le Mouhaddith Al-Harari [Dans son livre Ar-Rawâ-ihou z-Zakiyyah]
- et autres qu’eux.
– Dans ce passage, l’Imâm An-Nawawi nous renvoi a l’un de ses autres ouvrages « Tahdhîb al-Asmâ-i wa l-Loughât » dans lequel il a dit : « L’innovation (al-bid’ah) dans la Loi de l’Islam, c’est innover ce qui n’existait pas à l’époque du Messager, elle se divise en bonne et en mauvaise innovation. L’Imâm, le Chaykh, à propos duquel il y a unanimité sur le fait qu’il est un guide, sur sa grandeur, sur sa maîtrise de nombreuses sortes de sciences et sur le fait qu’il y excellait, Abou Mouhammad ‘Abdou l-‘Azîz Ibnou ‘Abdi s-Salâm, que Allâh lui fasse miséricorde et que Allâh l’agrée, a dit à la fin de son livre Al-Qawâ’id : L’innovation est divisée en : obligatoire, illicite, recommandée, déconseillée, et permise. Il a dit : le moyen pour cela est de soumettre l’innovation aux règles de la Loi de l’Islam, si elle entre dans le cadre du devoir, elle est alors un devoir, ou dans le cadre de l’interdiction, elle est alors illicite, ou dans le cadre de la recommandation, elle est alors recommandée, ou dans le cadre du déconseillé, elle est alors déconseillée, ou dans le cadre de la permission, elle est alors dans ce cas permise ». Fin de citation de An-Nawawi [Tahdhîb al-Asmâ-i wa l-Loughât].
– Ces citations nous prouvent que bien avant le groupe apparu aujourd’hui qui prétend qu’il ne peut y avoir de bonnes innovations, il y a eu des savants de références qui ont écrit des ouvrages expliquant les différentes sortes d’innovations. En effet, ce hadîth a toujours été dans le Sahîh Mouslim. Est-ce que quelqu’un croit sérieusement qu’il a fallu attendre des contemporains pour savoir que le Prophète avait dit “koullou bid’ah dalâlah” et pour comprendre sa signification ?
– Le prophète (صلى الله عليه وسلم) a lui même enseigné qu’une innovation peut être bonne et récompensée par sa parole qui a pour sens : « Celui qui instaure dans l’Islâm une bonne tradition (sounnah) en aura la récompense et l’équivalent de la récompense de ceux qui œuvreront avec après lui, sans que leurs récompenses ne soient diminuées en rien ; et celui qui instaure dans l’Islâm une mauvaise tradition (sounnah) se chargera de son péché et de l’équivalent du péché de ceux qui œuvreront avec après lui, sans que leurs péchés ne soient diminués en rien. » [Rapporté par Mouslim]
– Dans un autre passage de son ouvrage, l’Imâm An-Nawawi explique justement ce hadîth en le prenant comme preuve et incitation à accomplir de bonnes innovations. Puis il ajoute que ce hadîth restreint le hadîth ” وكل بدعة ضلالة ” (wa koullou bid’atin dalâlah) [Retrouvez l’article : ici].
– De parmi les innovations obligatoires, l’Imâm An-Nawawi mentionne le fait de répliquer aux athées et aux moubtadi’oûn (mauvais innovateurs) comme ceux qui ont innové dans la croyance. Il a dit à ce sujet dans son livre « Al-Majmoû’ Charhou l-Mouhadh-dhab » : « Et nous avons certes mentionné que celui qui est devenu mécréant par son innovation, la prière n’est pas valable derrière lui […] et parmi ceux qui sont devenu mécréant il y a celui qui attribue clairement le corps [à Allâh] ». Ainsi selon l’Imâm An-Nawawi, les moujassimah (corporalistes) ont une croyance innovée qui est de la mécréance et à laquelle il est un devoir de répliquer. Les moujassimah sont ceux qui attribuent à Allâh le corps (le corps : c’est ce qui a une longueur, une largeur et une profondeur) et les caractéristiques des corps comme : l’endroit, la limite, la direction, la couleur, le mouvement, l’immobilité, la position (assise, debout, allongée…), la forme, l’image et ce qui est du même ordre.
- Le Chaykh Taqiyyou d-Dîn Al-Hisni a confirmé cela de l’Imâm An-Nawawi en disant : « L’Imâm An-Nawawi, dans le chapitre de la description de la prière de son commentaire de Al-Mouhadh-dhab, a confirmé la déclaration de mécréance (takfîr) à l’égard des moujassimah (anthropomorphistes), et je dis [Al-Hisni] que c’est cela qui est correct » [Kifâyatou l-Akhyâr].
- L’Imâm As-Souyoûti a également confirmé cela de l’Imâm An-Nawawi en disant : « Celui qui est devenu mécréant par son innovation, et cela comme le dit l’auteur (An-Nawawi) du commentaire de Al-Mouhadh-dhab : le moujassim (l’anthropomorphiste) et celui qui nie que Allâh connait le détail des choses ...» [Tadrîbou r-Râwî]. [Retrouvez plus d’explications : ici]
– Retrouvez d’autres citations de savants concernant les innovations : ici.
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Les wahhabites haïssent cette citation de l’imam Nawawi croyez moi
[…] – L’Imam An-nawawi a également expliqué les différentes sortes d’innovations dans son commentaire du Sahih Mouslim, lorsqu’il a commenté le hadith comportant la phrase « koullou bid3ah dalalah wa koullou dalalah fi n-nar ». A voir : ici. […]
[…] – L’Imam An-nawawi a également expliqué les différentes sortes d’innovations dans son commentaire du Sahih Mouslim, lorsqu’il a commenté le hadith comportant la phrase « koullou bid3ah dalalah wa koullou dalalah fi n-nar ». A voir : ici. […]